La Colombie, dans l’insouciance du coronavirus

Récit de la suite de mes aventure après le Panama (article ici) en Colombie, avec la menace si lointaine puis de plus en plus présente du coronavirus.

Panama City vers Cartagena

Après la soirée de la veille de notre débarquement à Panama City, c’est l’heure pour moi de laisser cet équipage fort sympathique poursuivre sa route jusqu’en Basse-Californie.

Me voilà donc de nouveau en selle, seul, avec mon sac à dos et mon mal de crâne sur le bord du ponton. Je passe une nuit dans un hostal du centre ville après une découverte de jour de la ville qui s’avère être un amoncellement d’immenses building sans grand intérêt. Le port et le marché aux poissons est en revanche très joli. Je n’avais hélas plus de batterie pour en prendre des photos.

C’était étonnant de voir cette ville sortir tel un appendice dans ce pays plutôt plat pour le reste. Panama City est une ville connue pour être un paradis fiscal (Cf. Panama papers). Et pour la petite anecdote, Panama City fut attaquée, pillée et brulée en 1671 par un corsaire nommé Henry Morgan. Il a traversé à pied les 80 km séparant la ville de l’océan Atlantique avec 1400 hommes. C’est de cet homme qu’est tirée la marque de rhum Captain Morgan, marque assez peu populaire au Panama, on se doute pourquoi.

Bye Bye les copains et le California Promise
Panama City et ses immeubles

Décollage pour Cartagena le lendemain, soit le 8 mars 2020. En raison du Covid, il n’était pas possible pour un étranger d’atterrir en Colombie sans billet retour. Il a fallu donc que je trouve une petite magouille sur internet afin de générer un faux billet retour à une date que j’avais choisie (pour les intéressés, c’est sur le site Onewayfly que ça se passe).

Une fois arrivé à Carthagène, je me dirige vers une auberge de jeunesse à 4 étages et….. pleine de français. C’est quand même dingue. Les français ont vraiment le goût du voyage, ils sont partout. C’est l’occasion de faire de nouvelles rencontres et de discuter avec l’un d’entre eux de mon projet de descendre tout l’Amazone jusqu’au Brésil sur un bateau. Cette descente durerait environ 3 semaines.

Le lendemain, je dors chez le meilleur couchsurfeur de toute la ville : Alfredo. Je lui laisse mes affaires après aussi avoir remercié sa mama et pars à la découverte de la ville sous un soleil de plomb. C’est d’ailleurs l’heure de la sieste pour la plupart de ses habitants.

Cartagena est une ville magnifique, de style colonial avec des rues perpendiculaires. Le centre est entièrement coloré et on déambule donc dans des rues arc-en-ciel, parfois abrités sous des parapluies qui se balancent au grès du vent. Tout comme à Valparaiso au Chili, Cartagena a fait le jeu de street artistes, multipliant sur les murs des références historiques ou bien reproduisant d’autres personnages colombiens importants. C’est notamment le cas du barrio Getsemani, quartier d’accueil des esclaves transportés de force depuis l’Afrique vers le port de Cartagena. C’est dans ce quartier que va naître le mouvement révolutionnaire en 1811 « Grito de la independancia », ou « Cri de l’indépendance ». Ce mouvement va libérer Cartagena du joug des colons puis embraser le reste du pays dans une guerre d’indépendance menant à la libération de la Colombie vers 1819.

Nous visitons avec Alfredo et un autre couchsurfeur, Pierre, le reste de la vieille ville. Alfredo est un guide formidable qui est doté d’une grande culture et connait l’histoire de sa ville sur le bout des doigts. Il adorerait poursuivre ses études en France.

Alfredo m’emmènera aussi visiter le marché de Cartagena, ultra-typique. Des odeurs puissantes en émanent et il y règne un joyeux désordre, entre les chiens, les chats, les enfants qui courent partout, les poissonniers et les bouchers qui crient plus fort les uns que les autres, etc. C’est très amusant et je me prête au jeu en parlant espagnol à tout le monde. J’achète un délicieux jus d’orange fait main.

Des bons petits plats

Le soir, nous laissons avec Pierre notre cher Alfredo et nous dirigeons tous les deux vers Santa Marta, au Nord Est de la Colombie. Aux infos, ils ne parlent que du coronavirus. La situation en France s’aggrave, j’essaye de ne pas y penser.

Cartagena vers Santa Marta

Nous prenons donc avec Pierre un bus pour Santa Marta qui arrive non sans mal à destination. L’organisation à la colombienne, c’est nous faire changer 3 fois de bus alors qu’un seul était prévu et de devoir en plus vraiment insister pour ne pas se faire avoir à payer plus cher. Mais bon, nous arrivons enfin à Santa Marta, de nuit. Cette ville n’est pas des plus accueillantes dans ce contexte où la méfiance est de plus en plus importante et je repars directement le lendemain matin.

Je choisis de me diriger vers le sud, à Barichara, une autre magnifique petite ville. J’avais aussi l’intention de faire un trek dans cette région réputée pour cela.

Santa Marta vers Barichara

J’arrive à trouver le terminal de bus et je prend un billet, négocié bien entendu, jusqu’à Bucaramonga dans l’idée d’aller visiter Barichara.

Je rencontre dans le bus un colombien de 18 ans, Harrisson puis Mario, un mexicain qui pratique de la psychologie avec des drogues hallucinogènes (comme un certain Anders rencontré au Danemark). Nous avons fait quelques expériences dans le bus. Non, c’est bien entendu une blague. Douze heures de bus et beaucoup de sujets de conversations plus tard sur Dieu, la Colombie, le Mexique, les français et Simon Bolivar, nous arrivons de nuit à Bucaramonga. Mario me paye un hostal, sans que je puisse à aucun moment m’y opposer. Vraiment un chic type ce Mario.

Mes deux acolytes lors de ces 12h de bus. C’est Mario qui tient la flasque de Tequila

Dans le but de faire du parapente, j’avais comme projet de travailler gratuitement dans une école de parapente à Medellin, la Mecque de cette pratique en Colombie. Cependant, suite à la méfiance grimpante envers les étrangers due au coronavirus, j’essuie refus après refus. Je repars le lendemain matin à nouveau seul de Bucaramonga, le moral un peu sacqué par cette situation.

Je prends un bus (encore un, décidément) jusqu’à San Gil. Les colombiens sont vraiment adorables, la plupart d’entre eux viennent me voir et me demander d’où je viens. Quand je leur dis que je suis français, cela ne leur pose aucun problème. Le moral remonte donc en flèche !

Une fois arrivé à San Gil, je n’ai même pas le temps pour un café, je saute directement dans un autre bus en direction de Barichara, le but de cette petite expédition. J’y reste environ 2h car le soleil commence déjà à se coucher. Je suis affamé et après une pizza au goût sucré (tout à fait dégoutante), je retourne à San Gil.

J’apprends que le trek que je voulais faire est fermé au public en raison du coronavirus. Qu’à cela ne tienne, je pars pour Medellin avec comme objectif d’aller faire du parapente ! Je ne saisissais pas bien encore à l’époque (comme beaucoup de personnes je suppose) la gravité de la situation et essayais tant bien que mal de mener à bien mes rêves d’aventures colombiennes.

Quelques photos de Barichara

En route vers Medellin

Nous sommes le 13 mars 2020, soit 5 jours après mon arrivée en Colombie et pour la première fois de ma vie je suis pris d’une turisa. Moi qui pensais de manière incrédule que j’avais l’estomac solide et que ça ne pouvait pas m’arriver, eh bien si.

Voilà mon trajet colombien dans les grandes lignes

Sur la route pour Medellin, nous traversons cette magnifique campagne colombienne, à travers montagnes vertes, ruisseaux, collines où paissent innocemment le bétail, populations vacant à leurs occupations, etc. Par moments on se croirait dans les Alpes et l’instant d’après on se trouve au coeur d’une forêt tropicale. Je ne m’en lasse pas.

Je fais la rencontre d’Ivan qui vient spontanément me voir alors que je déjeune seul lors d’un arrêt de bus. Il me demande si j’ai bien tout ce qu’il me faut et nous commençons comme cela à parler. Décidément je les aime ces colombiens.

Une fois arrivé après de trop longues heures de bus à Medellin, je me dirige vers chez Oscar, mon hôte sur Medellin qui a accepté de me recevoir malgré le virus. Pour aller chez lui, il me faut prendre le métro. En demandant mon chemin, un colombien me donne gratuitement sans que je ne demande rien sa carte de métro avec encore des trajets de disponible en m’assénant du célèbre « con mucho gusto ».

Rien de mieux lors d’un long trajet de bus que de voir défiler la campagne, sans penser à rien
Arrivée à Medellin

Visites et parapente à Medellin

Au petit matin du 14 mars, nous partons avec Oscar et un de ses amis Darwin à l’assaut d’un cerro (colline en français). Trop content de marcher, je suis le premier en haut à avoir cette vue surplombante sur tout Medellin. C’est une ville vraiment magnifique qui me fait beaucoup penser par sa confection à La Paz en Bolivie. Seulement, un épais nuage de pollution recouvre cette ville déjà bien réveillée.

Le reste de la journée je pars visiter la ville. Je rejoins un free tour non loin du barrio 13 (anciennement quartier malfamé du célèbre Pablo Escobar). Notre guide David, un colombien de 21 ans, toujours le sourire aux lèvres et fin orateur, nous explique tout du passé tumultueux de son barrio. En effet, il lui arrivait d’aller à l’école sans jamais être sûr de pousser à nouveau la porte de sa maison le soir. C’était une période (années 80) très compliquée où la criminalité a battu des records. Maintenant c’est un quartier très haut en couleurs où y règnent la diversité, les bouibouis ambulants, les battles de danse, divers artistes, etc.

Au sommet du cerro
Mon hôte Oscar à droite et son ami Darwin
Des airs de La Paz en Bolivie
Battle de danse
Street art dans le barrio 13
Medellin au soleil couchant

Le lendemain, je me dirige vers la piste de décollage de parapente à San Felix, en banlieue de Medellin. Arrivé sur place, je donne à plusieurs personnes un prospectus que j’avais fait afin de travailler gratuitement dans une école de parapente en échange de pouvoir voler de temps à autres.

Finalement et comme toujours en discutant, je rencontre José qui a une voile à me prêter le lendemain. Je repars chez Oscar un grand sourire aux lèvres. Sur le chemin du retour, après le métro et pas certain de moi, je demande à mon voisin si le bus va bien dans le quartier où réside Oscar. Finalement, c’est le bus entier (environ 15 personnes) qui m’aident et discutent entre eux du meilleur endroit pour moi où descendre, trop chouette.

Le coronavirus prend cependant de plus en plus d’ampleur, il modifie de façon drastique la vie de milliards de personnes et cette menace qui paraissait aussi minuscule que lointaine est pourtant bien présente ici, en Colombie. La France rentre en quarantaine et la Colombie ferme petit à petit toutes ses frontières. Ainsi, mon voyage est heure après heure remis en cause. Tous les lieux de villégiature ferment les uns après les autres laissant peu d’options pour la suite de mon voyage.

Néanmoins, le lendemain j’évite de penser à tous ces soucis et je pars enfin voler ! Le site est en plus tout simplement magnifique, surplombant tout Medellin dont nous pouvons voir les tentacules s’avancer dans les différentes vallées.

Après un peu d’attente, je décolle enfin, pour un vol de plus d’une heure, sans forcer. C’était mon tout premier vol en conditions réellement thermiques et quel bonheur d’enrouler ces courants d’air chauds et de monter quasiment jusqu’aux nuages ! J’y croise même parfois des aigles volant à moins de 10 mètres de moi. C’est magique. Après une pause déjeuner rapide je me remets en l’air, et là, suite à une mauvaise appréciation de ma part, je me retrouve dans un venturi (accélération localisée de l’air) contrant ainsi mon avancée. Et je finis … dans un arbre.

Bravo Arnaud ! Après avoir fait ce que j’ai pu seul, José et un autre viennent m’aider à décrocher le parapente de mon arbre salvateur. Plus de peur que de mal. Le parapente n’a même pas été troué. Apparemment je suis loin d’être le premier et cela me rassure un peu.

Site de décollage au-dessus de Medellin
Mon arbre sauveur

Rentrer, pas rentrer, que faire ? Evasion à Guatapé

La situation évolue à une vitesse fulgurante tout comme mes projets fondent comme neige au soleil. Nous sommes le 17 mars et la moitié de la planète est en confinement total ou partiel avec dans la plupart des cas un arrêt complet des vols entre les pays. Je me décide donc à rentrer sur Bogota afin de mieux évaluer les options. J’y résiderai chez Estevan, un ami de Natacha.

Je décide avant de partir de me rendre à Guatapé, un petit village à 2h de route de Medellin très haut en couleurs. Décidément, moi qui suis plutôt un féru de la nature, des randonnées et des grands espaces de manière générale, je n’aurais jamais autant été citadin pendant un voyage. Cependant, Guatapé en valait vraiment la peine.

Il s’agit d’un village tout droit sorti d’un cahier de coloriage pour enfant ou bien de Disneyland. Chaque maison rivalise de créativité et de couleurs avec sa voisine.

Les colombiens sont des fans de 4L. Voici le même modèle en bleu que nous avions pour le 4L Trophy 2018 avec un ami !

Les bas reliefs décorant les parties inférieures des maisons se nomment des Zocalos, laissant libre court à l’imagination des propriétaires. Il s’agit d’une tradition vieille de plus d’un siècle.

Non loin du village se trouve un mirador en haut duquel on peut avoir une vue époustouflante sur Guatapé et ses environs. Je n’ai pas pu y aller car le soleil se couchait mais voici en image ce qu’on peut y observer.

Les environs de Guatapé depuis le mirador qui se donnent des airs de fjord scandinave

Il est temps pour moi de prendre le dernier bus pour Medellin.

Après avoir longuement discuté avec mes proches en France, je consens à rentrer chez moi en métropole. Dans le même temps, Estevan m’indique qu’il a une maison de famille dans un village en jungle amazonienne, avec dans l’idée d’aller me confiner là bas en attendant que la crise passe afin de pouvoir descendre l’amazone tel que je l’avais prévu au départ.

Le 18 mars, 10 jours après mon arrivée en Colombie je prends un bus pour Bogota afin de prendre ma décision entre rentrer, ou pas.

Bogota et la fin des haricots

Durant le trajet, je penche de plus en plus pour l’option Amazonie. J’éviterais ainsi le risque de contracter le virus pendant le voyage retour et de le ramener à la maison, pouvant ainsi contaminer toute ma famille.

Je rejoins Estevan chez lui qui appelle sa famille. Cette dernière est d’accord pour que je vienne me confiner chez eux. Nous regardons alors ensemble pour prendre le même billet d’avion mais il n’y a plus de place. Une autre solution est de prendre un bus (encore un !) jusqu’à un petit village au bord de l’Amazone où des bateaux navettes m’emmèneraient jusque chez Estevan. Seulement, le dernier bus s’en va le lendemain à 15h. Ni une, ni deux, nous irons demain avec Estevan directement à l’aéroport pour prendre des billets d’avion. Le soir, nous mangeons des haricots.

Une fois arrivés sur place, panica general. Des personnes là depuis plusieurs jours dorment parterre, des files d’attentes de 200m aux guichets, la police dans tous ses états, il s’agit d’une incroyable cohue. J’apprends aussi que tous les vols commerciaux (y compris vers la France) s’arrêteront le 23 mars. Je prends donc ma décision de rentrer, n’ayant aucune certitude sur l’issue de cette crise qui pourrait durer plusieurs mois, voire même plusieurs années.

Nous rentrons après chez Estevan qui est obligé de passer par la fenêtre car il a perdu ses clés. Nous allons ensuite manger dans un restaurant dont le seul sujet de conversation est le coronavirus. Et pour cause, toute la Colombie va elle aussi être bientôt mise en quarantaine.

Nous sommes le 21 mars 2020, et c’est pour moi la fin de ce voyage en Colombie. Comme des milliards d’autres personnes, il faut s’adapter à la situation, et c’est très malheureux, mais c’est ainsi. Je prends toutes les dispositions possibles pour ne pas attraper le virus en rentrant en France.

The end

La Colombie est un pays tout simplement magnifique, peut-être même mon préféré. Des paysages à couper le souffle et surtout, une population d’une gentillesse naturelle, gratuite et profonde. Les gens venaient à moi spontanément, même malgré la méfiance générale qui montait à cause du virus. Une famille était prête à m’accueillir dans un village d’Amazonie pour la quarantaine, sans qu’ils ne me connaissent et sachant que j’étais français, j’ai pu me faire prêter une voile pour faire du parapente (j’ai d’ailleurs atterri dans un arbre au deuxième vol !), un bus entier s’est démené pour savoir à quel arrêt il fallait que je descende pour retrouver ma route, on m’a donné une carte magnétique de métro alors que je demandais simplement mon chemin à Medellín, un mexicain rencontré dans un bus me paye une nuit d’hôtel sans que je puisse discuter, etc. etc. etc.

J’ai franchement adoré, ce fut court mais très intense. Les conditions n’étaient clairement pas optimales et j’ai dû abandonné mon très très cher projet de descendre l’Amazone en bateau, mais ce n’est que partie remise quand des horizons plus cléments pointeront le bout de leur nez !

Adios Colombia!

Retour à la maison


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