Road to Panama

L’aventure continue

Un mois à Marie-Galante s’est finalement transformé en presque 3 mois. C’est en effet en totale cohérence avec le rythme comme suspendu de cette île mythique, magnifique et par dessus tout, authentique.

« Hic ! », comme le disait si souvent le Capitaine Haddock (pour ma part, je ne bois que de l’eau) sauf qu’à Marie-Galante, ce n’est pas du Whisky mais plutôt du rhum, du « sé wom an nou » comme le disent les habitants de l’île (lire ‘c’est rhum à nous » en créole). Le rhum Bielle, comme je le disais dans un précédent article, …. Non d’accord j’arrête de faire de la pub, désolé.

Voici plutôt un rapide résumé de ces semaines de dur labeur, dans des conditions parfois difficiles.

Bref, toute bonne chose a une fin, et même si Dominique (le PDG de Bielle) aurait préféré que je reste à travailler pour lui, il était temps pour moi de remettre les voiles. Car oui, il était bien sûr entendu pour moi que je ne rejoindrai pas le Panama autrement que par bateau en traversant la Mer des Caraïbes !

Faire du bateau stop

Avant donc de reprendre -enfiiiiiiin- mon sac à dos, j’ai pris le temps de rédiger un « CV nautique » que j’afficherai à le plus d’endroits possibles pour faire connaître mon envie de rejoindre le Panama à la voile. J’ai donc prévu de me rendre d’abord en Guadeloupe puis, si jamais ça ne mord pas, d’aller en Martinique où il y a apparemment plus de probabilités de trouver un embarquement.

Mon « CV Nautique »
Une partie des Antilles Françaises

C’est bon je suis paré ! Me voilà parti pour la Guadeloupe à la recherche d’un embarquement. 10 minutes après que le ferry soit parti de Marie-Galante, je me rend finalement compte que j’avais oublié mes chaussures de rando à bord de la goélette juste avant le départ… Pas commode pour un backpacker me direz-vous. Je souris en pensant à ma mère qui m’aurait regardé en m’appelant par mon surnom « A l’ouest ».

En discutant avec le capitaine du ferry, ce dernier prend mon malheur pour le sien et m’autorise à rester gratuitement dans le bateau pour son dernier aller / retour avec Marie-Galante. Ouf ! Mes pieds me remercieront plus tard.

Après avoir déposé mon sac sur le Neptune, un bateau de course mythique de 60 pieds ayant fait le tour du monde durant la Whitbread de 1977 et appartenant à Pierre Danus (capitaine de la goélette Bielle), je passe cette première soirée qui tombait le jour de la Saint Valentin à coller mes affiches un peu partout. Les gens pourront ainsi admirablement regarder mes faits d’armes tout en étant assis sur le trône appartenant au bar accolé à la marina. Triste destinée qu’est la mienne …

Dans cette même marina je rencontre le lendemain de cette fête définitivement trop commerciale pour moi, un tas de vieux copains que je n’avais pas vu depuis un bout de temps dont un breton un peu barjo, Yann Quenet. Mais j’en parle un peu plus loin dans cet article. Je leur fait donc part de mes projets de trouver un embarquement et la plupart me regardent avec de grands yeux sous entendant sans vraiment me le dire que je m’étais mis dans un programme sans grande chance de réussite. Les autres sont plus positifs et m’incitent à me promener sur les pontons. Ça tombe bien, c’est exactement ce que j’avais prévu.

Je passa le reste de la journée à donner mon CV à des gens qui le voulaient bien, tous agréables mais ne pouvant malheureusement pas m’aider. On me répète que c’est compliqué et que très peu de bateaux partent pour le Panama depuis la Guadeloupe. Puis, au détour d’un ponton, je fais la bonne rencontre. Un employé d’une agence de voyages en bateau me conseille d’aller demander à la secrétaire de cette agence, au-cas-où. Je ne sais pas pourquoi, mais mon intuition me dit à ce moment que ça sent bon. A la fin de la journée, après avoir épuisé la réserve en pontons de la marina, je me dirige donc vers cette agence et là, miracle, la secrétaire, adorable en plus, me dit qu’il y a justement un bateau qui doit partir à la fin de la semaine pour le Mexique en passant par le Panama. Ce n’était pas arrivé depuis deux ans. Karma ou opportunisme ? Je n’en sais rien mais en tout cas j’ai une bonne étoile.

Je téléphone donc à Serge, le skipper prévu sur ce bateau, qui me dit sans plus de motivation de m’envoyer mon CV et qu’il le regardera. Sûr de mon coup je lui envoie et le soir même il me rappelle en me disant que j’avais ma place à bord. J’étais vraiment très content et le Ti-Punch d’un rhum de Guadeloupe siroté avec mon ami Martin eu tout de suite beaucoup plus de goût.

Réparations du bateau

Le bateau est un Dufour 520, un bateau tout neuf de 52 pieds qu’il faut livrer à La Paz en Basse-Californie (juste au-dessus du Mexique) à un client américain. La bête vaut tout de même 600 000€. Ce bateau doit arriver par paquebot de l’autre côté de la Guadeloupe dans 2 jours. J’en profite donc pour aller faire un peu de surf le lendemain de cet excellent Ti-Punch. Les vagues sont très petites mais je m’amuse quand même.

Le surlendemain, j’ai encore le temps pour aller faire un petit tour sur le Neptune avec Pierre et deux de ses amis avec leurs enfants. C’est un magnifique bateau qui n’a rien perdu de sa splendeur. Il file facilement 8-9 noeuds alors qu’il y a à peine 16 noeuds de vent. Nous faisons Pointe-à-Pitre – Deshaies en 7h environ.

Enfin, j’abandonne le jour d’après l’équipage du Neptune à leur triste sort pour rejoindre le Dufour, appelé « California Promise ». J’irai en stop. Juste avant de quitter le bateau, Bernard de Guy, le skipper de Neptune durant la Whitbread de 1977, nous rejoint à bord pour prendre le café. Il nous avait vu par hasard dans la baie où nous avions mouillé l’ancre.

Si vous cherchez un bateau à acheter, un conseil, n’achetez pas un Dufour. C’était simplement hallucinant le nombre de choses qui ne fonctionnaient pas sur ce bateau qui coûte pourtant très cher. Il nous a donc fallu mettre en place et réparer tout un tas de bricoles pour rendre le bateau en état de marche et je m’en suis donné à coeur joie ! A la fin, nous connaissions avec Serge le bateau quasiment sur le bout de nos doigts.

Balade à bord du Neptune le long de la Guadeloupe
Pierre au fond, Bernard et moi. Trois générations pour une même passion
Le California Promise, neuf comme un sou neuf
Un Dufour 520, beau bateau en photo n’est-ce pas ??

Après quelques réparations et la mise à l’eau, nous faisons cap vers Les Saintes prendre une petite pause. Le départ est sportif car dès la pointe du Vieux-Fort dépassée, au sud de la Guadeloupe, le vent souffle dans notre travers à plus de 30 noeuds. Mais la baie des Saintes nous accueille comme toujours dans ses bras et baies magnifiques. J’adore cet archipel, encore sauvage et d’une beauté vraiment saisissante.

Le lendemain de cette pause, nous partons pour Pointe-à-Pitre afin de réaliser les dernières réparations et nous occuper des formalités administratives avant le départ pour le Panama. L’ambiance est au beau fixe avec l’équipage. Il y a une très belle énergie de groupe et ce fut un réel plaisir durant tout ce voyage.

Pointe du Vieux-Fort ou Bretagne ?
30 noeuds pour aller jusqu’aux Saintes, joli baptême !
Les Saintes, paysages carte postale
Thomas tout heureux là-haut

Il y avait tout d’abord Serge notre capitaine, qui avait également navigué sur Neptune (qu’il préfère appeler Jupiter) il y a plusieurs années. Quelques dizaines de transat à son actif, il connaît plutôt bien son métier et il a toujours le mot pour rire. J’ai appris beaucoup de choses à ses côtés, tant sur la mécanique que sur la navigation en général et j’en suis très content.

Il y avait ensuite André, toulousain Corse et créateur de plusieurs entreprises à la retraite. Pour moi qui souhaite me lancer dans le monde de l’entreprenariat, ce fut donc une aubaine et nous avons eu nombre de sujets de conversations sur le monde de l’entreprise, le bonheur, l’accomplissement de soi, etc. André est également l’ami et acolyte de Serge depuis plusieurs dizaines d’années et quand on a goûté sa cuisine, on comprend mieux pourquoi !

Puis il y avaitJean et Thomas, deux jeunes de 25 ans exactement comme moi. L’un sort d’une école d’ingénieurs et l’autre d’une école de commerce. Nous avons également eu, entre beaucoup de parties d’échecs, des débats, des blagues, des remarques, des défis, enfin tout un tas de trucs fort agréables. Je ne m’ennuyais jamais et il y avait vraiment une top ambiance.

Le lendemain, ou surlendemain, ce fut le départ pour le Panama, enfin !! Nous quittâmes Pointe-à-Pitre cap plein ouest, dans une pétole et un beau temps fabuleux comme en témoigne cette vidéo :

Traversée de la mer des Caraïbes et arrivée au Panama

La traversée fut somme toute tranquille. Nous avons mis 10 jours pour arriver au Panama, en route directe depuis la Guadeloupe. Avec 6 noeuds de moyenne, je fut assez déçu des performances de ce bateau finalement. Cela dit, nous avions 90% du temps du vent arrière, sans angle, ce qui n’est pas non plus l’allure la plus efficace, surtout sans spi.

Nous avons eu tout de même droit à une escorte de dauphins sur plusieurs jours, des couchés et levés du soleil magnifiques, des apéros fort sympathiques, quelques poissons (deux dorades et une bonite), des surfs à plus de 10 noeuds et des nuits superbement étoilées, comme toujours sur l’eau, la nuit, quand le bateau traverse des bancs de phytoplancton illuminant d’un vert émeraude la noirceur de l’eau.

Cap au OSO

L’arrivée au Panama fut plus folklorique. Nous arrivâmes de nuit et des centaines de bateaux 20 fois plus grands que nous étaient partout. Il a fallu à Serge naviguer dans toute cette joyeuse effusion. C’était impressionnant.

Nous étions tout de même bien content d’arriver dans cette marina avec piscine gratuite et restaurant. Jean, amoureux incommensurable de la nourriture était le plus heureux des hommes. On s’est aussi fait quelques copains sur les quelques jours où nous sommes restés de ce côté du canal en attendant de pouvoir le traverser. Traversée que je ne regrette absolument pas d’avoir fait car c’était tout simplement impressionnant.

En parlant de copains, j’ai justement pu revoir Yann, ce fameux breton qui fait le tour du monde sur un voilier de 4m (son site internet : http://www.boat-et-koad.com/baluchon-voilier.php). Oui, vous avez bien lu, 4m. C’est minuscule. C’était rigolo de voir son bateau à côté de mastodontes de 30, 40, voire même 100m. En plus d’être très sympathique et un peu fou (mais d’un génie aussi), Yann est quelqu’un qui sait ce qu’il fait et surtout qui va au bout de ses rêves. C’était très inspirant de discuter avec lui.

Baluchon, le bateau de Yann
Un voilier de 65 mètres à la marina

Traversée du canal de Panama et fin de ce voyage

Pour la petite histoire, le canal de Panama fut finalisé en 1914, 400 ans après qu’une première mention de sa construction apparue en 1534. Ce fut en effet l’un des projets d’ingénierie les plus difficiles jamais entrepris. Plusieurs milliers d’individus périrent dans sa construction et notamment des guadeloupéens auxquels on avait promis un billet retour qu’ils ne purent finalement jamais utiliser.

Le canal de Panama qui fait 77 km de long est pourvu d’un système d’écluses qui se suivent (inventé par Gustave Eiffel, encore lui, décidément …). En effet, le Panama détient du côté Atlantique un lac perché à une trentaine de mètres de hauteur. Ces écluses permettent donc de monter les bateaux (parfois de la taille de la tour Eiffel !) à 30 mètres de haut afin de rejoindre le lac. Pour cela, ils passent à travers une suite de trois écluses de chacune 9 mètres de haut environ pour monter. Puis arrivés côté Pacifique, en naviguant dans les « isthmes » du Panama puis dans un canal artificiel, c’est le même système pour redescendre.

Comment les écluses fonctionnent ? L’eau descend par gravité du lac. Ainsi pour monter, l’eau est transportée d’une écluse à l’autre faisant monter l’eau dans la suivante et donc le bateau, permettant ainsi à celui-ci de rejoindre le lac. C’est le processus inverse pour redescendre. Un schéma explicatif est donné ci-après pour mieux visualiser. Des pompes remettent de l’eau dans le lac, puisqu’à chaque ouverture d’écluse, ce sont plus de 100.000 mètres cubes qui se déverse dans l’océan Atlantique ou Pacifique. Cependant, chaque année le niveau du lac baisse un peu plus du fait du passage incessant des bateaux à travers le canal.

Source : wikipédia
Montée depuis l’Atlantique
Descente vers le Pacifique
Montée au lac
Genre de mastodonte croisé lors de la traversée
Dernière écluse avant d’arriver au Pacifique
Panama City et une bonne soirée en perspective !

La traversée du canal dura un jour et demi : une soirée puis toute la journée du lendemain. Elle doit se faire obligatoirement accompagnée d’un agent qui monte à bord durant toute la traversée afin d’appliquer les bonnes consignes.

Le soir de notre arrivée fut ma dernière soirée avec ce bien sympathique équipage. Eux continuaient en effet jusqu’à La Paz amener le bateau à son client tandis que moi je m’arrêtais à Panama City pour prendre un vol à destination de la Colombie. J’aurais préféré descendre en stop, mais il n’y a malheureusement pas de route terrestre entre le Panama et la Colombie, juste une immense forêt remplie, apparemment, de narco-trafiquants et de bestioles pas forcément très agréables à vivre.

Cette dernière soirée fut donc une superbe occasion pour Jean, Thomas et moi d’aller faire la fête à terre et nous en avons bien profité.

Le lendemain, je me retrouvais donc de nouveau seul, avec mon sac-à-dos et mon mal de crâne, en faisant au revoir à mes nouveaux copains qui partaient là où je n’ai pas voulu les suivre. Car maintenant, à moi la Colombie !!! Mais ça, c’est une autre histoire …

Serge, moi, André, Jean et Thomas, un top équipage !

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